La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2014 | FRANCE | N°2013-371

France | France, Conseil constitutionnel, 07 mars 2014, 2013-371


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 décembre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 372333 du 20 décembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SAS Labeyrie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe V de l'article 230 H du code général des impôts.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Cons

eil constitutionnel ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le règlement du 4 février ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 décembre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 372333 du 20 décembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SAS Labeyrie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe V de l'article 230 H du code général des impôts.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 janvier 2014 ;

Vu les observations produites pour la requérante par Me Muriel Gasser, avocat au barreau de Bayonne, enregistrées le 21 janvier 2014 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Gasser, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 février 2014 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le paragraphe I de l'article 230 H du code général des impôts institue une contribution supplémentaire à l'apprentissage ; qu'aux termes du premier alinéa du paragraphe V de cet article : « Le montant de la contribution mentionnée au I est versé aux organismes collecteurs agréés mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires. À défaut de versement ou en cas de versement insuffisant à la date précitée, le montant de la contribution est versé au comptable public compétent selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, majoré de l'insuffisance constatée » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, le premier alinéa du paragraphe V de l'article 230 H du code général des impôts, en tant qu'il prévoit, à défaut de versement ou en cas de versement insuffisant, une majoration du montant de la contribution supplémentaire à l'apprentissage égale à l'insuffisance constatée, méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;

4. Considérant que l'article 230 H du code général des impôts instaure une imposition dénommée contribution supplémentaire à l'apprentissage, qui a pour assiette les rémunérations des salariés ; que le premier alinéa du para graphe V de l'article 230 H prévoit qu'en cas de défaut de versement ou de versement insuffisant de la contribution supplémentaire à l'apprentissage le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la contribution qui doit être versé au comptable public compétent selon les modalités définies au paragraphe III de l'article 1678 quinquies du code général des impôts est majoré de l'insuffisance constatée ; que cette majoration de la contribution en cas d'infraction aux dispositions législatives relatives à la liquidation et à l'acquittement de la contribution, qui tend à sanctionner les personnes ayant liquidé de manière erronée ou ayant éludé le paiement de la contribution, a le caractère d'une punition ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;

6. Considérant qu'en prévoyant que la majoration de la contribution supplémentaire à l'apprentissage est appliquée à l'insuffisance constatée à la date à laquelle la personne doit s'être acquittée de cette imposition et en fixant le montant de cette majoration à celui de l'imposition non acquittée, le législateur a défini de manière suffisamment claire et précise le manquement à l'obligation fiscale et la sanction dont il est assorti ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ; qu'en outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique que la majoration des droits, lorsqu'elle constitue une sanction ayant le caractère d'une punition, ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective des infractions ; qu'il n'implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l'auteur de l'infraction ;

8. Considérant qu'en fixant une majoration de la contribution proportionnelle, égale au montant de la contribution due pour l'année écoulée qui n'a pas été versé aux organismes collecteurs agréés au 1er mars de l'année suivante, le premier alinéa du paragraphe V de l'article 230 H du code général des impôts institue une sanction qui ne revêt pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné ;

9. Considérant que la majoration de la contribution, qui peut sanctionner soit un manquement relatif à la liquidation de l'imposition soit un manquement relatif à son acquittement, n'est, en vertu du deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 230 H, pas exclusive de l'application des sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires, et notamment de celles prévues par les articles 1728 et 1729 du code général des impôts qui revêtent le caractère d'une punition ; que le principe d'un tel cumul de sanctions n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, lorsque deux sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartient donc aux autorités administratives compétentes de veiller au respect de cette exigence ; que, sous cette réserve, le grief tiré de la violation des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doit être écarté ;

10. Considérant qu'en instituant, dans le recouvrement de l'impôt, une majoration égale au montant de l'insuffisance constatée, les dispositions contestées visent à prévenir et à réprimer les défauts ou retards volontaires de liquidation ou d'acquittement de l'impôt ; qu'elles instituent une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction et dont le montant, égal à l'insuffisance constatée, correspond à la part inexécutée d'une obligation fiscale ; que, par suite, elles ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines ;

11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, sous la réserve énoncée au considérant 9, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, le premier alinéa du paragraphe V de l'article 230 H du code général des impôts est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 7 mars 2014.


Synthèse
Numéro de décision : 2013-371
Date de la décision : 07/03/2014
SAS Labeyrie [Majoration de la contribution supplémentaire à l'apprentissage]
Sens de l'arrêt : Conformité avec réserve
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 07 mars 2014 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 07 mars 2014 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2013-371 QPC du 07 mars 2014
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2014:2013.371.QPC
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award